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Peru Bolivia : un mois pour tout donner
10 avril 2016

La grande descente vers le Sud

Après La Paz, il s’agit de faire une longue traversée Nord-Sud de l’Altiplano bolivien, pour rejoindre Tupiza, petite ville située à 90 km de la frontière argentine. Huit cent kilomètres réalisés en deux étapes enchaînées.

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La première consiste à rejoindre la ville minière d’Oruro, située à 225 km de La Paz. Alors que j’achète mon ticket de bus à la gare routière de La Paz, une équipe de télévision fait quelques plans et interroge quelques personnes en train d’acheter des tickets… pour Oruro. Nous embarquons vers sept heures et le bus remonte le toboggan de La Paz, arrive sur El Alto, s’engouffre dans une rue perpendiculaire à la route principale que nous devons suivre, fait le tour d’un pâté de maison, s’arrête dans une rue un peu animée, et, il s’avère, que c’est en réalité une gare routière improvisée, connue de tous, sans panneaux particuliers, c’est comme ça. Le chauffeur est partit un quart d’heure faire on ne sait quoi, laissant les portes ouvertes aux vendeurs. Les soutes sont ouvertes par des inconnus, sur cette rue passante, des marchandises y sont introduites. Je n’aime pas ces moments. Mais j’essaie toujours d’embarquer mon sac au début du chargement, qu’il soit bien au milieu, qu’on lui mette des autres bagages dessus, et je m’assoie du même côté. C’est peut être un peu parano de ma part, mais des histoires de personnes qui se sont retrouvées cons et sans sac avec ce genre de disparition, il y en a. Quand le chauffeur revient, nous reprenons la route cette fois-ci vers le Sud.

PB_Article ExpresoSur_Image 2_el alto

Pendant le trajet, j’entends des passagers qui passent des coups de fil à des personnes qui d’après ce que je peux comprendre sont à Oruro, voire sur la route plus en avance que nous. Les questions posées tournent autour du passage jusqu’à Oruro, de route ouverte, de blocage. On va à la pêche à l’information. A l’approche de Patacamaya, un auxiliaire du chauffeur vient annoncer en remontant l’allée du bus que la route est bloquée à l’approche d’Oruro, par les mineurs. Tout le monde semble être au courant des revendications et des éventuels problèmes pour rejoindre la ville. L’équipe de télévision ce matin à La Paz, ne devait pas être là par hasard. Il demande qu’un complément soit versé par chacun des passagers, pour payer l’essence du détour que nous allons devoir faire. Dans le bus l’excitation monte. Des passagers appellent des proches, d’autres crient que la route est ouverte, témoignages d’amis à la clé. Rien n’y fera, à Caracollo, le bus s’arrête et l’auxiliaire attend que chacun des passagers donne cinq bolivianos. Je n’ai aucune idée si la route est vraiment fermée, en quoi consiste le détour, mais les gens donnent plus ou moins pour que le bus reparte, sachant qu’il n’y a rien à faire, que le chauffeur et son auxiliaire sont plus puissants. Cinq bolivianos sur un trajet que j’ai payé 22, ça fait presque un quart du prix en plus. Vient le moment où un homme semblant être dans des petites affaires s’élève contre le principe de donner. Il parle de racket, haussant le ton. Le bus étant à l’arrêt depuis un quart d’heure déjà, il s’attire les foudres des vieilles femmes, qui lui intiment de donner, de ne pas bloquer la situation, de ne pas faire rentrer la morale dans cette petite affaire. Sous pression, au bout de quelques minutes et d’échanges de moins en moins cordiaux, il donne lui aussi, non s’en s’attirer encore quelques insultes en guise de remerciements. Vu la situation, je décide de donner moi aussi sans broncher.

Le bus repart enfin, et prend la direction de la ville de Caihuasi, par l’est, pour une dernière heure de route. L’arrivée vers Oruro est longue. Nous voyons au loin la ville plusieurs kilomètres avant d’arriver. Les installations de surface des différentes mines et des centres de traitement associés donnent le point de mire. Nous traversons ces zones, qui alors qu’elles le sont, ne paraissent plus en activité. De longs axes, sableux, poussiéreux, fendent des ensembles de hangars rouillés et percés dont sortent des convoyeurs brinquebalants, sous lesquels des monticules de terre à jeter forment des cônes parfaits. Il n’y a personne, tout est à l’arrêt. Les mineurs seraient donc bel et bien aux portes principales de la ville, et plus en amont, à bloquer les routes. Arrivés enfin sur une des avenues d’entrée dans le centre, le bus s’arrête et indique s’arrêter là, sans plus de justification. Tout le monde descend en rouspétant, mais au final pressé d’en finir. Un long quart d’heure de marche me permettent de rejoindre le centre de la ville. Il est midi et demie, et la première étape est enfin terminée.

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Je déambule dans la ville à l’heure où les écoles et les collèges déversent des centaines d’élèves, en blouse blanche et pantalon bleu. Ils se dirigent vers les cybers-cafés, les sandwicheries, les parcs. J’ai trois heures à passer dans la ville, et j’ai grand faim. Je vais manger, puis me promène dans les rues, sans but aucun. Je fais quelques emplettes pour avoir de quoi grignoter pendant le long trajet qui me fera traverser l’altiplano. Puis je prends la direction de la gare ferroviaire, d’où mon train part pour Tupiza en milieu d’après midi.

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Ce train c’est l’Expreso del Sur. Oruro est une gare importante du pays. Elle dessert les principales villes du pays, qu’elles soient dans l’Altiplano, dans la Selva, ou entre les deux. Pendant quelques heures nous aurons la lumière pour nous permettre d’observer le paysage plat de l’Altiplano que nous allons fendre à faible allure. Qu’il porte bien son nom, l’Altiplano. Quelques seuls petits reliefs isolés font exception à la belle monotonie du plateau. Une terre à perte de vue, où se perdent quelques habitats loin de tout, troupeaux en quête de pâtures et nappes de déchets envolés des villes.

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Puis nous continuerons sans plus rien voir, recroquevillés sous de grandes couvertures, à regarder des films avec Julia Roberts et Richard Gere, doublés en quelques minutes dans un bureau. Après un long stop en pleine nuit à Uyuni, où je descends un peu sur le quai pour briser la monotonie et me dégourdir les jambes, nous arrivons enfin à Tupiza, aux environs de trois heures du matin. Je rejoins à pied un hôtel, dans une nuit inquiétante et froide de Far-west, pour y finir la nuit, si possible sans la payer. Une fois négociée, dans le grand hall, à voix basse, dans une fausse lumière de lune, je peux enfin me reposer dans une chambre donnant directement sur la cour intérieure, et attendre paisiblement de cuire dans les prochaines heures. Terrible contraste.

Sans faire de mystère, je ne suis venu à Tupiza par hasard. Comme personne. Tupiza est une des meilleures alternatives pour découvrir le Sud Lipez sans faire la boucle trop prisée Uyuni-Uyuni. Pour autant Tupiza ressemble à un de ces bourgs désœuvrés, minés par le soleil dur, et qui n’a pas beaucoup de ressources autres celles d’un marché banal. Quelques anciens mineurs de mines disparues y vivent encore par habitude. La ville est endormie, même si quelques routards comme moi lui ont permis de développer une nouvelle activité dont seuls quelques uns ont profité. Tupiza ne semble rien avoir pour elle. A part constituer un point de passage intéressant vers l’Argentine, et être le siège d’un petit pourcentage de départs vers le Salar de Uyuni.

Au petit matin, je rencontre une jeune française, coincée dans la ville depuis trois jours, devant mon hôtel, comme faisant la manche. Je suis presque son sauveur, encore que je ne suffi pas. Elle est désireuse de partir dans le Sud Lipez, mais elle ne trouve personne. Voulant moi aussi partir dès le lendemain matin, et devant être au moins quatre pour pouvoir démarrer la machine dans de bonnes conditions, nous nous répartissons les quartiers de la ville à la recherche de bonnes âmes ayant le même dessein, et prévoyons de nous retrouver deux heures plus tard à mon hôtel. Passant de l’autre côté de l’eau et arrivant guidé par la rue principale à la gare routière je tombe sur une autre française qui négocie avec un fort accent un départ pour le lendemain. Son compagnon revient quelques minutes plus tard l’air défait, mais me voyant, reprend espoir. Nous voulons faire la même chose, ce qui n’a rien d’étonnant, s’étant tous rendus à Tupiza. Quand je leur annonce que dans la ville une quatrième personne, qui plus est un française veut également en être, le soulagement devient expression commune. Une fois l’affaire ficelée pour le lendemain matin, la journée n’a plus qu’à se dérouler, toute seule, bien huilée par ce que le soleil sait nous faire produire.

Nous partons faire une petite randonnée à cheval, dans la meilleure intention. Pourtant elle fait tituber les bêtes, chétives. Ce qu’il leur reste de sabot dérape sur la terre sèche, colle sur les quelques tronçons de macadam fondu que nous traversons. A la moindre vision d’une herbe jaunie, d’une flaque flétrie, d’un arbuste épineux, les bêtes s’affolent, brûlant le peu d’énergie qu’elles ont encore, pour courir à la rencontre de ces mirages. Alors que l’on voudrait descendre de selle et les laisser aller mourir dans un coin tranquille, abattus par une chaleur déchirante, nous ne ferions pas cette erreur. La morale perd pied en même temps que nous, en même temps que les bêtes sur lesquelles nous sommes assis. Les paysages alentours de Tupiza sont découpés, désolants, désolants de beauté, de solitude. Le soleil est haut et intransigeant. La vision d’un Far-West que nous voulions voir.

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Après un apéro dévastateur sur les hauteurs de la ville en fin d’après midi, à refaire une politique que nous ne connaissons que trop peu, le tout arrosé de bières chaudes et d’un mauvais Singani, nous allons faire quelques courses au marché pour préparer le repas du soir, que nous prendrons dans la cour de l’auberge de Claire et François, en finissant la bouteille de Singani. Bien échauffés et heureux de s’être trouvé, nous partons dans les rues à la recherche d’une quelconque activité festive. La ville est calme. Les seules âmes qui vivent au dehors sont des cadavres titubants qui, bouteille en plastique à la main boivent de mauvais mélanges bouilli et parlent de manière agressive. Tupiza permet encore l’incertitude de l’aventure et des rencontres plus ou moins heureuses que ce genre de voyage peut soumettre.

Nous trouvons pour finir un karaoké où nous enflammerons la soirée, bien aidé de quarantenaires chantant mieux que nous mais voulant chanter avec nous. Connaissant quelques incontournables du répertoire mexicain, qui sont connus jusqu’ici, j’obtiens rapidement les faveurs du public. C’est bien tard dans la nuit que nous nous rappelons que le départ est fixé à 7h30 le lendemain, et que nous ferions mieux d’aller nous coucher. Après une dernière chanson : Si no te hubieros ido

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Commentaires
Peru Bolivia : un mois pour tout donner
  • En octobre 2012, après un an de dur labeur, à tout donner, je pars épuisé, un peu hagard, pour un break en Amérique Latine : ce sera le Pérou et la Bolivie pendant un mois : un mois pour tout donner. Mais à ma façon. Retour à froid sur ce mois inoubliable.
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