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Peru Bolivia : un mois pour tout donner
28 mars 2016

De Copacabana à La Paz

Le lendemain matin, je me lève à l’aube, voulant profiter une fois encore d’un tout début de journée sur l’île. Cela ne m’est en rien difficile, animé par ce facile objectif et les images de la veille, bien aidé par ces soirées pieuses où les coucher ne sont guère plus tardifs que 21 heures, poussé hors du lit par le besoin de me réchauffer. Je réalise un dernier petit tour sur la partie haute du sud de l’île, passant par des petites ruelles que j’avais déjà arpentées la veille.

Une fois mon sac bouclé, je redescends au port, et attends un bateau qui devait peut-être être là, d’après quelques informations glanées en haut, sans beaucoup de conviction. Comme il n’était pas là, j’attends sur la jetée, que le bateau dont tout le monde est beaucoup plus sûr qu’il sera là, ne vienne du continent, et accroche ses amarres. Pendant cette heure je rencontrerai un tchèque et sa compagne argentine, vivant en Nouvelle-Zélande, qui descendent les Amériques pendant un an, entre Vancouver et Ushuaïa,  à moto. La moto est garée à Copacabana. Ils sont stressés. La ville n’est pas réputée pour sa quiétude, et les vols y sont fréquents. Mais, malgré cela, ils ont eux aussi décidé de passer une nuit sur l’île. Si dans mon voyage, je n’ai pas besoin de me préoccuper ce cet aspect, c’est le genre de voyage dont la mesure donne envie, et qui me ramène d’un coup à la réalité que, dans à peine plus de deux semaines, je vais retourner derrière mon bureau, après une heure de Transilien. Que j’ai intérêt de profiter des moments qui me sont donnés, de profiter pour tout donner.

Après deux heures de bateau à échanger avec eux, ils sautent sur le quai de Copacabana alors que le bateau n’est pas encore attaché. Ils courent, comme pour éviter que la moto ne s’évapore tout à coup de la cour d’un hôtel qu’ils ont payé pour la leur garder. Je vais pour ma part sur la petite place du centre et achète sur le trottoir qui fait office de gare routière, un ticket de bus pour la Paz, tandis que je profite des dix minutes que j’ai avant le départ pour m’acheter de quoi grignoter pendant les quatre heures de trajet et pour aller faire une petite escale technique, en prévention d’un trajet long.

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Ce trajet nous fera longer pendant encore plus d’une heure les rives du lac jusqu'au détroit de Tiquina, lequel nous permettra de sortir de la péninsule sur laquelle est posée Copacabana, et de basculer sur la rive sud est du Titicaca, pour enfin traverser un petit bout d’Altiplano en direction de La Paz.

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Pour traverser le détroit, nous devons descendre du bus, acheter un ticket pour prendre une petite embarcation qui nous fera naviguer huit cent mètre, pendant que le bus à vide en fait de même, installé sur un radeau de bois, que l’on décolle du quai avec un bâton.  

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Une fois le bus acheminé de l’autre côté, nous remontons pour la deuxième partie de trajet, qui nous fera monter quelques peu encore, sur un long faux-plat, à quelques mètres à peine des nuages, jusqu’à El Alto. Dans le bus, nous sommes encore plus serrés. A Tiquina, contre quelques billets, le chauffeur a fait monter quelques vieillards et quelques femmes chargées. Je suis tout au fond, collé contre la vitre, et j’attends que le temps passe sans trop de mal, tandis que s’organise un marché parallèle dans le bus, où de grands sacs de quinoa sont divisés en de plus petits qui partent, vers l’avant du bus, se passant de mains en mains. 

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En fin d’après midi, après les grands espaces vierges des bords du Lac Titicaca et 150 kilomètres de route à n’avoir vu que nature ou presque, les premiers amoncellements de tout ce qui peut constituer un abri apparurent : les lointains faubourgs d’El Alto. A dire vrai, on pourrait les associer aux faubourgs de la Paz. El Alto, fait en réalité partie de l’ensemble urbain de la capitale économique, mais est la partie située sur le plateau, au dessus de la cuvette de La Paz, là où est situé l’aéroport, là où les quartiers déshérités ont la place pour s’étendre sans règles de part et d’autres du goulot d’étranglement qui mène à la deuxième ville du pays. Jusqu’au milieu des années 80, El Alto faisait partie intégrante de La Paz, n’étant qu’un quartier de la partie haute, mais devant l’afflux des populations venues de toutes parts, la ville est devenue ville à part entière, puis, année après année, l’exode rural s’intensifiant, la troisième ville du pays, faisant presque jeu égal avec La Paz. Presqu’un million d’habitants perchés à 4150 mètres d’altitude, sur une surface deux fois plus grande que Paris, et dont l’accès à l’eau potable n’est pas une garantie pour tous.

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Le ciel était découpé entre un sombre gris et un bleu vif de machine, et les voitures se faisaient de plus en plus nombreuses, comme les femmes aymaras, avec leurs grands chapeaux et leurs amples tabliers. L’anarchie était bolivienne et normale, le bus arrêté sur la voie de gauche. Les vendeurs en tout genre attendaient que le jour cesse. Le car de temps en temps avançait en veillant à n’écraser personne. Mes voisines de bus finissaient de faire leur petit commerce. Quelques passagers demandaient de temps en temps un arrêt à la porte de leur maison ou à l’extrémité de leur ruelle. Les enseignes, peintes sur les habitats, répondaient par leurs couleurs vives aux tuniques des femmes. Tandis que le car avançait de moins en moins, l’urgence dehors croissait. Les gamins traversaient la voie qui n’avait de rapide que le nom sur la carte. Ils shootaient dans un vieux ballon en criant, comme par défi par rapport aux moteurs des véhicules qui s’impatientaient. Le terrain était le leur, et nous ne faisions que le traverser. Les toutes jeunes filles jouaient déjà les vielles femmes, ramenant des courses dans d’immenses sacs en plastiques, ceux-là même que l’on avait aperçu quelques kilomètres auparavant, coincés dans des arbustes, formant ces longues déchetteries seulement contrôlées par le vent. Les adolescentes, en jeans, sans tablier ni chapeau, attendaient désespérément des combis, les yeux rivés sur de petits portables, envoyant des textos grâce aux opérateurs qui colorent les façades des villes et des campagnes, à travers le pays. Les unes vont devenir les autres sans le savoir, ou alors par tradition, doucement, en continuant à longer les faubourgs anarchiques d’El Alto, antichambre de La Paz.

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Quand le bus finalement arrive à s’extraire du quotidien de ce qui est devenu à force presque plus grand que la capitale elle-même, et plonge par une bretelle sur le toboggan de La Paz, on distingue pour la première fois ce dans quoi nous sommes venus nous fourrer. Lors de la descente, on peut voir sur la droite le creux de la ville, sur la gauche les hauteurs des quartiers amoncelés sur des on-ne-sait-quoi qui tiennent à pas grand chose. La Paz est un nom qui fait rêver alors que la ville fait peur, de par les rumeurs, ces mouvements de croyance souvent infondés, qui la désigne souvent comme une ville sans droits ni lois. S’y engouffrer pour la première fois, alors même que l’on est pressé que le trajet en termine, fait monter en le voyageur une tension non nulle. Lorsque le bus, 400 mètres plus bas qu’El Alto, se retrouve à nouveau stoppé, et que le chauffeur annonce que la route s’arrête là, sur ce petit bout de parking, encore si loin du centre que votre carte ne peut même pas localiser le quartier sur la carte générale de la ville, vous vous sentez outre un peu lésé, un peu perdu et un peu anxieux. Le voyageur peut alors avoir le choix entre héler un taxi, ce qu’il a sans doute dû entendre comme déconseillé, chercher un bus, ce qui lui semble inutile vu le trafic, ou descendre à pied, puisque vraisemblablement c’est par en bas que les choses se passent. Je décide de suivre cette troisième option, en descendant dès que je le peux, à chaque croisement, comme l’eau ruisselant chercherait la rivière. Je demande régulièrement la cathédrale de La Paz, et on me répond systématiquement « abajo… sigue abajo », un peu comme si à La Paz, droite et gauche n’avaient pas de sens, et que seuls en-haut et en bas en avaient un. 

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Pendant que je poursuis ma marche vers le bas, en essayant tant bien que mal, de bénéficier de quelques points de vue, je vois les mini combis avec des plaques « San Francisco » qui est justement le nom du saint de la cathédrale. Cela peut être aussi le nom de n’importe quel quartier beaucoup plus lointain. Mais je vois aussi les noms de Belén et de Rosario que j’ai lu être proches, et je sais que je descends dans la bonne direction, celle de la longue avenue du centre, cette fameuse rivière du fond du canyon.

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Commentaires
Peru Bolivia : un mois pour tout donner
  • En octobre 2012, après un an de dur labeur, à tout donner, je pars épuisé, un peu hagard, pour un break en Amérique Latine : ce sera le Pérou et la Bolivie pendant un mois : un mois pour tout donner. Mais à ma façon. Retour à froid sur ce mois inoubliable.
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