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Peru Bolivia : un mois pour tout donner
20 mars 2016

D’Arequipa au Lac Titicaca

Cet article sera celui d’une transition, un jour passé à tracer la route entre la ville d’Arequipa et la ville de Copacabana, juste derrière la frontière bolivienne, sur la rive sud du Lac Titicaca, un jour entier, du petit matin au coucher du soleil.

Cette route sera décomposée en plusieurs étapes : la première me fera sillonner l’altiplano péruvien jusqu’à la ville de Puno, via Juiliaca. Une deuxième liaison me conduira jusqu’à la frontière bolivienne, en longeant la rive occidentale du Titicaca péruvien. Enfin, le dernier tronçon, petit bout de fin de journée, quelques kilomètres à peine, me permettra de rejoindre Copacabana, la bolivienne.

PB_Article Copacabana_Image 1_carte

La première étape se joue en cinémascope, bien installé au premier rang d’un bus à double étage, j’ai le pare brise devant moi, écran déployé, et la hauteur d’un arbitre de chaise. Ne maquent que les popcorns. Le spectacle sera à la hauteur des attentes. Pour le modique prix d’un ticket de bus. Un film long, pendant lequel je n’ai pas décroché une seconde. Le film, en voici quelques images, avec les rayures, les tâches, et les reflets de la vitre avant.

PB_Article Copacabana_Image 2_Altiplano 1

PB_Article Copacabana_Image 3_Altiplano 2

PB_Article Copacabana_Image 4_Altiplano 3

PB_Article Copacabana_Image 5_Altiplano 4

PB_Article Copacabana_Image 6_Juliaca 1

PB_Article Copacabana_Image 7_Juliaca 2

PB_Article Copacabana_Image 8_Puno

Il est 14 heures. La pellicule donne sa dernière image, en même temps que le moteur s’arrête. Il n’y a pas eu de générique, moment nécessaire pourtant pour sortir d’un film, d’autant plus lorsqu’il était bon. Il faut tout de suite refaire la queue, comme dans un festival, pour voir le suivant. Dans cette gare routière dédale, rien ne se passera pourtant comme prévu. Un homme auquel on aurait donné le bon dieu après confession seulement, avec un discours officiel et une plaque dont je n’avais pas pu lire grand-chose, essaie de me diriger là où je dois ne surtout pas aller. Il me parle, beaucoup, sans jamais me quitter des yeux, sans jamais s’arrêter, m’indiquant les directions où aller, me suivant lorsque j’essaie de filer faisant mine de ne pas comprendre sa langue, de ne pas être intéressé, réflex primaire, ne me laissant pas le choix de mes mouvements, s’interposant, essayant de m’extorquer le prix de dix billets pour la Bolivie, me mettant en garde, jouant plusieurs rôle à la minute pour me déstabiliser. J’esquive, déblatérant d’un coup sec tout ce que je connais de plus sévère en espagnol, haussant le ton comme je n’aime pas le faire, loin d’être serein, comme s’il fallait que je quitte aussi rapidement que je prononce ces syllabes, pour une fois moins chaudes, le Pérou, avec regret, au moins le temps nécessaire pour me faire oublier de toutes les menaces qu’il avait fait poindre à mon sujet, pour oublier ce crétin, cet enfoiré. Lorsque je me rends compte que j’y suis arrivé, qu’il a été lui aussi déstabilisé, que je peux reprendre le contrôle après dix minutes pénibles, d’agacement total, j’essaie de rattraper le retard qu’il m’avait fait prendre dans cette journée si serrée, de regagner l’énergie perdue avec lui comme dans une revanche, d’attraper un billet pour la Bolivie. Lorsque je comprends, une fois au guichet, que celui-ci est le dernier, malgré un souffle de réconfort, un cœur qui fait résonner ma cage, j’ai la nette envie dans les cinq minutes qu’il me reste, de le retrouver, de le fixer droit dans ses yeux de malade, de lui dire qu’il a perdu, de lui mettre le coup fatal, le coup de grâce, de l’amener vers le lac et lui foutre la tête dedans, pour le calmer, dans l’eau froide.

J’embarque donc seulement quelques minutes après dans un petit bus qui grince, sans avoir mis en exécution tous les mauvais projets qui m’avaient habité pendant mon très court passage à Puno. Je suis au dernier rang cette fois. Je bouffe l’air frais qui s’engouffre par les fenêtres coulissantes que les uns et les autres, devant, ouvrent pour passer la tête. Trois heures d’air pur, un air de 3800 mètres, un air presque marin, lorsque troublé par la perception, on associe le bleu et le clapot de l’eau, le froid aidant, à des vacances en Bretagne. Approchant de la Bolivie, en trompe l’œil, les sommets de la Cordillera Central, se détachant à l’horizon, me font tout oublier tant les circonstances décoiffantes de ces derniers kilomètres, que la mauvaise aventure qui me reste entre la gorge. Dans le bus, trois péruviens partis voir le match Bolivie-Pérou qualificatif pour le mondial brésilen, un tout jeune américain et un germano-péruvien avec qui je passerai, une soirée rocambolesque sur les rives boliviennes du Titicaca.

PB_Article Copacabana_Image 9_Titicaca

Les officiels boliviens, les vrais, dans le poste frontière qui semble être resté ouvert pour nous seuls, sont ce jour là ce que l’on peut espérer de mieux en étant voyageur. Conciliant, accueillant, nous souhaitant tout le meilleur, nous gratifiant d’amigo non feints, tamponnant avec bienveillance nos passeports, n’essayant de rien gratter. L'envie de boire une bière avec eux. Nous devrons encore prendre un bus, plus petit cette fois encore, pour rejoindre Copacabana la bolivienne, pour huit kilomètres qui prendront quarante minutes, le temps que le soleil disparaisse pour quelques heures.

PB_Article Copacabana_Image 10_Copacabana

PB_Article Copacabana_Image 11_Copacabana

Les premières heures en Bolivie sont un moment de pur bonheur, partagées entre des amis de route et le sentiment de tout recommencer à zéro. De devoir réapprendre comment se comptent les sous, comment se nomment les plats et la bière locale.

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Commentaires
Peru Bolivia : un mois pour tout donner
  • En octobre 2012, après un an de dur labeur, à tout donner, je pars épuisé, un peu hagard, pour un break en Amérique Latine : ce sera le Pérou et la Bolivie pendant un mois : un mois pour tout donner. Mais à ma façon. Retour à froid sur ce mois inoubliable.
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